Supplément de participation et d’intéressement : que penser de la décision de la Cour de cassation ?
Le 19 octobre dernier, la Cour de cassation a validé un redressement portant sur des suppléments de participation et d’intéressement au motif que ces suppléments avaient été négociés lors des négociations annuelles obligatoires sur les salaires, mais n’avaient pas fait l’objet d’un accord spécifique déposé auprès de l’administration. Et ce, bien que les suppléments étaient assortis de modalités de répartition identiques à celles prévus dans les accords de base.
Cet arrêt a été décrié, dans le sens où cette solution n’était pas évidente. Elle met en question la clarté des articles du code du travail sur cette question.
Code du travail et dépôt de l’accord spécifique auprès de l’administration
Pour bien comprendre l’enjeu de cet arrêt, un rappel des articles du code du travail régissant les suppléments de participation et d’intéressement est de mise.
Les articles L. 3324-9 et L. 3314-10 sont deux articles miroirs traitant respectivement du supplément de participation, et du supplément d’intéressement.
Ils prévoient que le conseil d’administration ou le directoire (et à défaut, l’employeur) peut décider de verser un supplément [de participation ou d’intéressement] au titre de l’exercice clos, dans le respect des plafonds et selon les modalités de répartition prévues :
- Par l’accord [de participation ou d’intéressement] ;
- Ou par un accord spécifique conclu selon les modalités prévues à l’article L. 3312-5, à savoir celles prévues pour les accords de base [de participation ou d’intéressement]. Pour rappel, ce texte prévoit notamment que l’accord doit être déposé auprès de l’administration pour bénéficier des exonérations.
Ces deux articles semblaient dessiner deux situations distinctes :
- Si les modalités de répartition du supplément sont identiques à celles prévues dans l’accord de base, la seule décision unilatérale de l’instance dirigeante semblait suffisante. Il ne paraissait pas nécessaire de déposer un accord spécifique auprès de TéléAccords.
- À l’inverse, si les modalités de répartition du supplément sont différentes de celles de l’accord de base, la conclusion et le dépôt d’un accord spécifique auprès de l’administration devenaient inévitables.
Cette interprétation, pourtant relayée par l’administration dans son guide de l’épargne salariale de juillet 2014, est mise à mal par l’arrêt de la Cour de cassation.
L’affaire jugée par la Cour de cassation
Après un contrôle opéré auprès d’une entreprise, l’URSSAF réintègre dans son assiette des cotisations les suppléments de participation et d’intéressement que l’entreprise avait accordés à ses salariés.
La raison ? Les suppléments, qui avaient été prévus par le protocole d’accord de négociation annuelle conclu au sein de l’entreprise, n’avaient pas fait l’objet d’un accord spécifique ou d’un avenant à l’accord initial déposé auprès de l’administration.
L’entreprise, qui contesta son redressement, avançait deux arguments convaincants :
- Les suppléments étaient attribués dans les mêmes conditions que les accords de base de participation et d’intéressement mis en place dans l’entreprise. De sorte qu’il n’était pas nécessaire de conclure d’accord spécifique pour les suppléments ;
- Les protocoles d’accord de négociation pouvaient être considérés comme des avenants ou des accords spécifiques prévoyant les suppléments, et ils avaient déposés auprès de l’administration.
La Haute juridiction ne donne pas pour autant raison à la société.
Interprétation du code du Travail par la Cour de cassation
Après avoir rappelés les articles du code du Travail applicable en la matière, la Cour de cassation en livre son interprétation :
- En matière de participation, elle explique que « lorsque l’augmentation de la réserve spéciale de participation est négociée par la voie collective, le supplément doit faire l’objet d’un accord spécifique prévoyant les modalités de répartition entre les salariés. Pour ouvrir droit à exonération, cet accord spécifique doit avoir été déposé » ;
- En matière d’intéressement, elle déduit que « lorsqu’un accord d’intéressement a été négocié dans l’entreprise, l’employeur ne peut mettre en œuvre un supplément d’intéressement qu’en application d’un accord spécifique dont l’objet est de prévoir les modalités de répartition du supplément d’intéressement. Pour ouvrir droit à exonération, cet accord doit avoir été déposé ».
Et qu’en pense le ministère du Travail ?
Interrogé sur cette jurisprudence, le ministère du Travail a récemment livré sa vision des choses.
Selon lui, lorsqu’un supplément de participation ou d’intéressement est négocié, il doit obligatoirement faire l’objet d’un accord spécifique sur les modalités de répartition et de fait, être déposé sur la plateforme TéléAccords. Et ce, que ces modalités soient similaires à celles prévues par l’accord initial ou non.
Du point de vue du ministère, cette décision ne remet pas en cause la possibilité de décider de la mise en place d’un supplément d’intéressement ou de participation par décision unilatérale.
Attention : ces précisions ne s’imposent aucunement aux URSSAF. Dans l’attente d’une clarification du code du Travail ou de l’URSSAF, il serait plus prudent de formaliser la mise en place de ces suppléments par un accord spécifique, qui sera déposé sur TéléAccords.
Pour aller plus loin :
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