La Cour de cassation a tranché : les salariés en arrêt maladie doivent continuer d’acquérir des congés payés
Les salariés en arrêt maladie doivent continuer d’acquérir des congés payés et la limite d’un an pendant laquelle un arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle (AT-MP) est assimilé à du temps de travail pour l’acquisition des congés doit être levée. Voilà en substance ce qu’il faut retenir des deux arrêts de principe de la Cour de cassation du 13 septembre 2023.
Le point sur les étapes qui ont mené la Cour de cassation à rendre ces deux importantes décisions.
À NOTER – cet article ne traite pas des deux autres arrêts que la Cour de cassation a jugé le même jour, portant sur le délai de prescription de l’indemnité de congés payés et sur le droit au report des congés en cas de congé parental.
Le droit français non conforme au droit européen
Tout commence avec la directive européenne 2003-88 de l’Union européenne du 4 novembre 2003, qui dispose dans son article 7 que « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins 4 semaines ».
Pour un salarié présent dans l’entreprise, cette règle ne pose pas de problème particulier. Mais qu’en est-il lorsque le salarié est absent à cause d’une maladie non professionnelle ? Doit-il continuer à acquérir des congés payés durant son arrêt maladie ?
- En droit français, la réponse est non : le code du travail n’assimile pas les absences pour causes de maladie non professionnelle à du travail effectif permettant l’acquisition de congés payés ;
- A l’inverse, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) répond à cette question par l’affirmative : « le droit au congé annuel payé de chaque travailleur doit être considéré comme un principe du droit social de l’union revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé » (arrêt Dominguez, 24 janvier 2012). Si l’arrêt portait sur une absence faisant suite à un accident de trajet, la CJUE n’a pas distingué, dans sa solution, l’origine des absences. Il doit donc être considéré qu’en cas d’absence liée à une maladie non professionnelle, la directive a vocation à s’appliquer.
La Cour de cassation ne pouvait alors qu’alerter le législateur sur la nécessité de réformer le code du travail sur ce point. En effet, la directive de 2003 n’a pas d’effet dans un litige entre particuliers : la Cour de cassation ne pouvait donc pas écarter les dispositions nationales contraires au droit européen dans un litige opposant un employeur de droit privé et un salarié. Les juges pouvaient simplement l’appliquer dans un litige opposant salarié et employeur public.
Le même problème se posait en cas d’AT-MP, avec la limitation à 1 an de la période d’arrêt maladie pouvant donner droit à congé.
Applicabilité de la Charte des droits fondamentaux de l’UE
En 2018, la jurisprudence de la CJUE évolue. Dans l’arrêt Bauer du 6 novembre 2018, la Cour de justice juge que l’article 31 §2 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE (qui dispose que tout travailleur a droit à une période annuelle de congé payé) est directement invocable par le salarié en litige avec son employeur de droit privé.
La Cour de cassation disposait enfin de l’arsenal juridique lui permettant d’écarter les articles du code du travail non conformes au droit européen. Ne restait plus qu’à attendre les litiges qui lui permettrait de le faire : ceux du 13 septembre 2023.
Une décision attendue face à l’inertie du législateur français
Les recommandations de la Cour de cassation, priant le législateur français de se mettre en conformité avec le droit européen, étaient restées lettre morte. Face à cette inertie, les conseillers de la Haute juridiction ont décidé d’écarter par eux-mêmes la règlementation française (arrêt n°22-17340 et arrêt 22-17638 du 13 septembre 2023).
Dans le premier de ces arrêts, la chambre sociale de la Cour de cassation écarte partiellement les dispositions de l’article L. 3141-3 du code du travail afin de parvenir à sa solution : le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés en cas de suspension du contrat de travail pour cause d’un arrêt de travail lié à une maladie non professionnelle.
Dans le second arrêt, elle écarte partiellement l’application de l’article L. 3141-5 du code du Travail et juge que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de la période où il est placé en arrêt après un AT ou une MP, et ce, sans limitation de durée.
La notice au rapport annuel qui accompagne ces arrêts de principe explique que « le salarié malade peut prétendre à l’intégralité des droits à congé payé », à savoir qu’il a droit à sa 5ème semaine de congé payé et à ses congés d’origine conventionnelle, le cas échéant. À l’inverse, cette jurisprudence n’a pas vocation à s’appliquer pour les jours de RTT.
Reste maintenant à savoir ce que le législateur fera de cette décision. Peut-être inscrira-t-il ce principe dans le marbre, tout en limitant la portée de la jurisprudence aux 4 semaines de congés payés garanties par la directive ? Affaire à suivre.
En attendant des précisions du Ministère du travail, les entreprises doivent s’adapter et prendre en compte ces périodes de maladie pour le calcul des congés payés.
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