La mue des exonérations de cotisations patronales se profile
Une réforme des allègements généraux de cotisations patronales se profile. Michel Barnier y avait fait allusion dès son discours de politique générale du 2 octobre dernier, et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 intègre dans son article 6 la fusion des trois dispositifs d’allègements qui existent aujourd’hui.
Les dispositifs existants font l’objet de plusieurs critiques
À l’heure actuelle, trois dispositifs généraux de réduction des cotisations et contributions patronales coexistent. Ils diffèrent tant dans leur forme que dans les plages de revenus concernés :
- La réduction générale des cotisations patronales (RGCP), dégressive, s’applique sur les salaires n’excédant pas 1,6 SMIC ;
- La réduction du taux de la cotisation patronale d’assurance maladie, proportionnelle, s’applique sur les salaires n’excédant pas 2,5 SMIC en valeur au 31/12/23. Elle permet aux employeurs de diminuer leurs cotisations de 6 points (7 % au lieu de 13 %) ;
- La réduction du taux de la cotisation patronale d’allocations familiales, proportionnelle également, s’applique quant à elle sur les salaires inférieurs à 3,5 SMIC en valeur au 31/12/23. Elle entraîne la diminution de la cotisation patronale d’1,8 point (3,45 % au lieu de 5,25 %)
Ces trois mécanismes, véritable sédimentation de dispositifs et d’objectifs politiques qui se sont succédé depuis une trentaine d’années, font l’objet de deux principales critiques.
En premier lieu, leur coût a bondi ces dernières années du fait de l’inflation croissante et des hausses du SMIC qui entraînent l’augmentation de l’enveloppe globale des allègements. Ainsi, d’après les dernières prévisions, ces dispositifs ont coûté près de 80 Mds d’euros en 2023, soit 20 Mds de plus que le montant constaté en 2021.
La seconde critique tient au fait que ces mécanismes créent un phénomène de « trappe à bas salaire » : les allègements de cotisations patronales atteignent leur niveau maximal au niveau du SMIC, puis se réduisent très rapidement jusqu’à 1,6 SMIC, ce qui rend toute hausse des salaires au-dessus du SMIC particulièrement coûteuse pour l’employeur.
Un premier pan de la réforme pourrait rentrer en vigueur dès 2025
Le PLFSS pour 2025 prévoit dans un premier temps d’adapter les paramètres actuels des trois dispositifs existants afin d’entamer une transition progressive pour les employeurs entre le dispositif actuel et celui qui devrait entrer en vigueur en 2026.
Ainsi, dès le 1er janvier 2025, le projet de loi prévoit :
- D’abaisser le taux maximum de la RGCP de 2 points, sans changer sa formule ;
- D’abaisser le plafond d’éligibilité au taux réduit de cotisation patronale d’assurance maladie à 2,2 SMIC, contre 2,5 actuellement ;
- D’abaisser le plafond d’éligibilité au taux réduit de cotisation patronale d’allocations familiales à 3,2 SMIC, contre 3,5 aujourd’hui.
Par ailleurs, le projet de loi envisage d’intégrer l’ensemble des primes de partage de la valeur (PPV) versées à compter du 10 octobre 2024 dans la rémunération à prendre en compte pour le calcul du coefficient de la RGCP.
La fusion des dispositifs serait prévue pour 2026
La réforme serait parachevée en 2026, date à laquelle les deux réductions proportionnelles (cotisations d’assurance maladie et d’allocations familiales) seraient supprimées, et où la dégressivité de la réduction générale serait réformée. La refonte des allègements devrait permettre d’augmenter le montant des exonérations entre 1,3 et 1,8 SMIC dès cette date.
Dans les grandes lignes, la RGCP devrait être élargie du fait de la prise en compte dans son périmètre des anciennes réductions proportionnelles. Elle ne deviendrait nulle qu’au niveau d’une rémunération de 3 SMIC (contre 1,6 SMIC aujourd’hui).
Par ailleurs, le taux maximal de la réduction au niveau du SMIC devrait quant à lui être encore réduit de 2 points, ce qui devrait se traduire via l’augmentation du paramètre T. Pour rappel, ce paramètre représente la somme des taux de cotisations et contributions patronales qui sont incluses dans le champ de la réduction.
Si les modalités de calcul de la RGCP « nouvelle génération » seront précisées par décret, l’étude d’impact du PLFSS en donne une première idée. Elle écrit ainsi qu’au « 1er janvier, la formule deviendra alors : T x [1/3-1x (3xSMIC de l’année en cours/rémunération annuelle brute – 1)]1,37 .
La puissance 1,37 de l’ensemble de la formule devrait permettre « de renforcer la convexité de la trajectoire de la RGDC et donc de conserver un montant d’allègements jusqu’au niveau de 3 SMIC tout en diminuant le coût du dispositif », selon l’étude d’impact.
Reste maintenant à savoir si la réforme des allègements sera reprise telle quelle dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025, ou si elle fera l’objet d’amendements.
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